jeudi 11 février 2016

9/ Kazakhstan - 2ème partie

Mosquée Turkistan
31 Août

Me voilà donc de retour au Kazakhstan en transit pour arriver plus tard en Russie. Cette fois, il ne faut pas que j’oublie de faire viser mon passeport dans un commissariat de police dans les 5 jours. 



Première étape à Turkistan avec cette magnifique mosquée. Je fonce au siège de la police mais le commissariat ne peut pas viser mon passeport pour une raison que je ne comprends pas. Qu’à cela ne tienne, on fera ça dans la grande ville suivante, Kyzylorda. Je commence pas y chercher le commissariat pendant 2 heures et une fois sur place, le préposé qui s’occupe de gérer ces démarches, finalement non, il n’a pas envie, ça le fait chier. Vous n’avez qu’à aller dans la ville suivante, me dit-il. Je suis à deux doigts de lui mettre un aller-retour, mais bon, me voilà parti vers Aralsk où je me présente devant le commissariat vers 14 h pour m’entendre dire que le chef fait sa sieste et de revenir à 18 h. Évidemment à 18 h, à 19 h personne en vue. A 20 h je jette l’éponge.

Le lendemain, samedi, est l’avant dernier jour qui me reste avant de valider cette saloperie de papier. En fait, le dernier jour car dimanche tout sera sûrement fermé. Il faut absolument que cette affaire soit réglée aujourd’hui. Donc, je suis là à 8 h précise pour voir arriver le grand chef à 11 h. Si le nécessaire n’est pas fait dans l’heure, je me couche devant le commissariat et je fait la grève de la faim. 
Notre grand chef me raconte qu’il vaut mieux que je fasse la démarche dans la ville suivante. Là il y a un moment de silence et je commence à gueuler comme un âne. La suite de l’histoire une fois que je serai sorti du pays.
Toujours est-il que 10 minutes plus tard, je suis sur ma moto avec le fameux tampon sur le foutu papier. Ça m’a fait un bien fou de me purger les bronches de cette manière, je suis libéré et j’avale les 600 km de la journée comme une fusée. 

A part ces inconvénients, je traverse un désert incroyable de 1700 km du nord au sud, absolument plat à 100 mètre d’altitude, pas de relief, pas de végétation, quelques troupeaux de chameaux ça et là. Je n’arrive pas à trouver cette route pourtant toute droite, monotone : la traversée de ce désert est le dernier grand challenge de mon voyage autour du monde et j’en profite au maximum.



Je passe Baïkonour, la Cité des Étoiles, qui est le centre du programme spatial soviétique puis russe. C’est de là qu’ils ont envoyé les premiers un animal dans un spoutnik. C’était une chienne qui s’appelait Laïka. Puis cela a été le tour de Gagarine  d’aller le premier dans l’espace. Toute l’histoire spatiale du bloc de l’est a été réalisée ici avec faut-il le rappeler des succés incroyables. Bizarrement, rien n’est signalé sur la route qui passe à 10 km  du Cosmodrome. Je sais que c’est là car je le vois sur la carte.

Puis c’est Aralsk, avec son ravissant commissariat de police, ville perdue dans les sables du désert. Ancien port de pêche très important sur les bords de la mer d’Aral avant que des prélèvements d’eau absurdes ne finissent par l’assécher. Évidemment, les bateaux sont restés sur le sable et l’usine de traitement des poissons a fermé. Des travaux gigantesques ont permis à cette mer de se remplir en partie mais la rive est toujours à 23 km de la ville. Il serait intéressant de savoir ce que sont devenus les brillants fonctionnaires soviétiques à l’origine de ce fiasco. S»ils sont aussi intouchables que le sont les nôtres de fonctionnaires, ils ont sûrement continué à faire de belles carrières.


Après 1700 km de désert, arrivée à Aqtobé baignée d’une fraîcheur bien agréable dans ce magnifique hôtel très soviétique dont il vaut mieux décrocher le téléphone de la chambre si on ne veut pas être sollicité toutes les 5 minutes par une prostituée. Le petit père Vladimir Illich Lenine doit s’en retourner dans sa tombe. Encore que, étant mort de la syphilis, il devait savoir à quoi s’en tenir sur ces choses-là!



Aujourd’hui 4 mois que je suis parti et je commence à être impatient de rentrer vite pour revoir tous les miens.

Donc pour en revenir à ma prestation dans le commissariat de police d’Aralsk, je regarde le flic droit dans les yeux et comme il est un garçon avec malgré tout un fond de bon sens, il comprend que tout ça a été beaucoup trop loin. Je suis hors de moi et au point où j’en suis, je me fous des conséquences. Alors je pique une gueulante à tout casser qui fait un ramdam du tonnerre dans le commissariat et qui laisse mon interlocuteur médusé. Un planton vient aux nouvelles puis sort de la pièce. 
Le commissaire me demande de fermer la porte qui se trouve derrière moi à clef et s’ensuit enfin une conversation constructive qui s’achève par un accord qui satisfait pleinement les parties en présence. Si vous voyez ce que je veux dire, $$$$$$$$$.

1 Septembre

Sur ma carte les lignes rouges pour les grandes routes importantes et goudronnées, les lignes jaunes pour les petites routes incertaines dont il faut se méfier et les lignes blanches pour les chemins de terre. En confiance, je m’engage pour les 640 km qui doivent m’amener d’Atqobe à Athyrau sur la mer Caspienne, sur la carte une belle ligne rouge. 

Je peux témoigner que cette route n’a pas reçu un gramme de goudron depuis la grande révolution de 1917. Et ça dure 500 km en plein cagnard et à moins 25 m au dessous du niveau de la mer. Il n’y a plus de revêtement sur la voie qui est totalement impraticable alors les camions ont tracé une voie parallèle des 2 côtés dans le sable et dans le sable avec ma moto de 350 kg, je ne sais pas faire. Il n’y a personne et je ne peux prendre le risque d’une chute car il me serait impossible de relever ma moto. Si j’avais su l’état de cet itinéraire jamais je ne serais passé dans cette galère. 

Finalement 500 km c’est long, très long, mais petit à petit je grignote les km et doucement je progresse souvent dans la douleur debout sur mes cales-pieds pour repérer les obstacles de plus loin. Question intendance, j’ai 5 litres d’eau, quelques vivres et de ce côté là, je ne suis pas inquiet, je peux tenir 2 jours s’il le faut. 

Le souci se sont les pneus et le risque de crevaison. De temps à autre, je m’arrête pour vérifier la pression. Tout va bien. Comme d’habitude cette machine extraordinaire me mène au bout de cette journée qui restera à jamais dans ma mémoire comme une des choses les plus difficiles de ce voyage. Cette route semble inconnue des voyageurs et je dois être un des rares à pouvoir témoigner de cet «exploit». Ce qui en rajoute à la fierté d’avoir réussi cette journée insensée.

Arrivé couvert de poussière dans un hôtel à Athyrau où je suis très mal reçu par 2 réceptionnistes que je surnomme Miss KGB et Miss Goulag. 

Le lendemain matin, hagard de fatigue, je décide malgré tout de faire les 300 derniers km à petite vitesse avant le passage de la frontière russe en 10 secondes. Je suis en Europe. Trop content.

Bien des déceptions mais que de choses extraordinaires vécues pendant ce mois passé à tourner en Asie Centrale. L’Ouzbékistan ne restera pas un de mes meilleurs souvenirs.

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